Association EcritureS Onex 16

La soupe à la grimace (suite et fin)

Mais pas d’omelette sans casser les œufs, la coupe était pleine pour les durs à cuire, ras le bol. On n’allait pas accepter ce bouquet garni en cocotte juste pour mettre du piment dans la popote.

Tous les tubercules avaient mis leur grain de sel en usant de pots de vin, on leur avait dit à tous de s’occuper de leurs oignons et d’aller planter les choux chez les grecs, mais maintenant ils nageaient, à la fortune du pot, dans le potage, bien plus que ça … dans la purée de poisse. Ail ! Si tout le potager se mettait à cracher dans la soupe, on n’était pas sorti de l’auberge.

Le pistou, lui, se révolta contre la politique des gros sous. Mais le basilic un peu soupe au lait fit chou blanc, car il prêchait pour sa paroisse laissant les autres dans la poisse.

Un courageux pois chiche hurla qu’il n’était pas question pour lui de mettre de l’eau dans son vin ou d’être diplomate, pas question non plus de couper la poire en deux. Avec un peu de piston, le contestataire porta la revendication jusqu’au grand ponte du culinaire, il n’y allait pas avec le dos de la cuillère et entendait bien mettre les pieds dans le plat pour tuer dans l’œuf cette révolution.

Il souleva une vague dans le potage des dieux de la consommation.

Ça tournait au vinaigre et les carottes étaient loin d’être cuites. Manque de pot, là-haut on n’avait aucune considération pour la réclamation d’un petit poids. Il arrivait là comme un cheveu sur la soupe. Restait plus qu’à rentrer chez soi.

On l’avait tout simplement réduit en bouillie, il était trop bonne pâte, le bout de chou. C’était rapé.

On en avait fait des gorges chaudes dans le canard du coin, mais la revendication n’avait pas voyagé plus loin que cette feuille de chou.

Ce n’était pas la mer à boire, me direz-vous, mais la soupe, la vraie, était bel et bien dans les choux.

                                                                                        Christine Doucet